P61300-ora

L’Ancre d’Or : Le coup de force japonais du 9 mars 1945 en Indochine

Le 9 mars 1945 est une date méconnue de la plupart des Français.

Elle marque pourtant le point de départ du processus de la décolonisation de notre empire et d’une guerre qui va durer 30 ans.

C’est aussi une des dernières grandes gestes françaises, héroïque et désespérée contre un adversaire bien plus nombreux et beaucoup mieux armé.

Le sang versé des Français dans ces combats, seuls aux confins du globe et oubliés par leurs compatriotes, permettra au général Leclerc de ratifier la reddition du Japon, le 2 septembre 1945. Cet acte, signé de concert avec les Alliés, marque ainsi la fin effective de Seconde Guerre Mondiale.

Reprenons les faits : Tout semble calme sur le territoire de la colonie. Il y a eu bien plusieurs alertes depuis ces dernières semaines : la menace plane d’une attaque japonaise qui mettrait fin à la présence française sur la péninsule. L’espoir du maintien de la France en Indochine jusqu’à la fin de la guerre est, pourtant, dans tous les esprits.

C’est en effet un des rares endroits sur la planète qui a été préservé de la terrible déflagration de ces cinq dernières années.

Certains parlent d’une apogée de l’Indochine française pendant laquelle, coupés du reste du monde, Français et Indochinois ont unis leurs efforts pour survivre.

L’amiral Decoux, gouverneur général depuis juillet 1940, est aux commandes en maitre incontesté à la fois des colons qui lui reconnaissent son talent de négociateur vis-à-vis du Japon menaçant et aussi des autochtones auxquels, conscient de l’évolution des mentalités, il délègue progressivement les rênes de l’administration.

La défaite française en juin 1940 a une répercussion immédiate sur une colonie isolée de la métropole, menacée par le conflit sino-japonais et par la pression du Japon sur le sud-est asiatique.

Pour empêcher la disparition de la présence française, les gouverneurs généraux successifs, Catroux puis Decoux, doivent accorder, en plusieurs étapes, la fin des approvisionnements pour la Chine, le stationnement d’unités nippones sur les principaux points stratégiques de la péninsule et la fourniture de denrées.

En contrepartie, le Japon reconnait à la France, sa souveraineté sur le territoire.

Néanmoins, plusieurs obstacles s’opposent à la politique du Proconsul.

Les Japonais, tout d’abord, qui se présentent comme les libérateurs des asiatiques opprimés, soutiennent en sous-main tous les mouvements antiblancs, notamment les nationalistes vietnamiens.

De plus, à partir de septembre 1944, le général de Gaulle et le gouvernement provisoire ont la volonté de reprendre le pouvoir en Indochine, ce à quoi l’amiral Decoux se soumet sans discussion.

Le général Mordant, à la retraite, ancien commandant en chef des troupes en Indochine, devient l’interlocuteur officieux de Paris, tout en maintenant officiellement l’amiral Decoux dans ses fonctions.

Il s’en suit une période de flottement avec un commandement à deux têtes, qui plus est, ne s’entendent pas …

Ajoutés à cela, des réseaux de résistance se mettent en place, dans le but principal d’aider les Alliés en leur indiquant les positions ennemies.

Ces actions s’avéreront souvent efficaces, parfois imprudentes, en tout cas suffisamment réelles pour susciter l’inquiétude des Japonais.

La situation du Japon bascule à partir de la bataille de Midway en juin 1942, qui met un coup d’arrêt à la guerre-éclair du Japon, six mois après le déclenchement du conflit du Pacifique. Entre temps, le Japon s’est emparé du Sud-Est asiatique et la péninsule indochinoise représente la voie de repli indispensable aux troupes déployées dans la région.

Les Américains l’ont bien compris et ont la volonté, dès l’automne 1942, de fragiliser l’implantation japonaise sur notre colonie. Pour cela, ils coulent par le fond une partie de la flotte nippone du secteur ainsi que les 2/3 de la marine civile et militaire de la colonie.

Ces bombardements provoquent de nombreuses victimes dans la population indochinoise et française.

En détruisant les voies de circulation, ils vont participer à la catastrophe alimentaire du printemps 1945, causant plus d’un million de morts dans les campagnes. (Les mauvaises récoltes et l’abandon des digues à la suite du coup de force en seront les autres motifs).

Arrive la date fatidique : le 9 mars 1945, au palais du gouverneur à Saïgon, l’amiral Decoux se prépare pour le dernier rendez-vous de la journée, prévu à 18h avec l’ambassadeur Matsumoto. Celui-ci l’a sollicité pour régler des questions secondaires d’approvisionnement.

Les discussions trainent en longueur. A 19h, l’ambassadeur dévoile ses cartes : « que l’Indochine passe sous gestion de l’armée japonaise ».

L’amiral a jusqu’à 21h pour donner son accord. A peine fait-il connaitre son refus que, déjà, le palais est cerné. Il est fait prisonnier avec l’ensemble de ses collaborateurs.

Au même moment, Les citadelles, casernements et forts sont pris d’assauts sur tout le territoire : 60 000 soldats japonais aguerris et bien armés se ruent sur 12 000 soldats français usés par un séjour prolongé et équipés d’un armement obsolète.

Côté français, la surprise est quasi-totale ; l’état-major a démobilisé les troupes la veille, à la suite de plusieurs fausses alertes.

Seul, le général Sabattier a pris les renseignements au sérieux et a installé son PC depuis la veille à 100 km d’Hanoi.

La totalité des garnisons françaises ont riposté aussitôt. Les soldats français et indochinois se défendent au corps à corps.

Les points d’appui moins fournis succombent rapidement.

Des combats les plus acharnés, retenons celui de la citadelle d’Hanoi, laquelle, à un contre dix, tiendra jusqu’au lendemain 15h et capitulera faute de munitions.

Les pertes s’élèvent à la moitié des combattants. Les rescapés auront droit aux honneurs de la guerre, les couleurs françaises montées au mat.

Langson va aussi faire son baroud mais, là, la barbarie de l’attaquant se manifeste au grand jour avec le massacre systématique des prisonniers et la décapitation du général Lemonnier.

Beaucoup d’unités ayant réussi à s’échapper forment des maquis, que les Japonais vont s’appliquer à faire disparaitre.

Les troupes rassemblées autour des généraux Sabattier at Alessandri parviennent, en plusieurs colonnes, à rejoindre la Chine.

La présence militaire française ne pourra se maintenir qu’au Laos, grâce à la forêt dense et à l’aide des autochtones.

La population civile n’est pas épargnée, regroupée dans les chefs-lieux, internée dans des camps ou assignée à résidence avec son lot de massacres et de viols.

Les militaires, eux, sont parqués et nombre d’entre eux sont internés dans les camps dits de la mort lente.

Ces derniers n’ont rien à envier aux camps de concentration nazis.

Les bombes atomiques lancées sur le Japon les 6 et 9 août 1945 mettent fin au conflit et sauvent ainsi la population française rescapée d’une disparition programmée par ses geôliers nippons.

La reddition du Japon, le 2 septembre, met un terme définitif à la 2nd guerre mondiale.

Le même jour, Ho Chi Minh, président du gouvernement provisoire, proclame à Hanoi l’indépendance du Vietnam.

Selon les accords de Postdam, l’Indochine est occupée au nord du 16e parallèle par la Chine, au Sud par l’Angleterre.

Le général Leclerc entre à Saïgon le 5 octobre et à Hanoi le 18 mars 1946.

Les accords Sainteny-Ho Chi Minh, signés le 6 mars 1946, sont censés, d’un côté, reconnaitre la république du Vietnam, de l’autre, l’appartenance du Vietnam à l’Union française.

Le général Leclerc n’est pas dupe ; il sait très bien que la volonté du Vietminh est la mise à la porte pure et simple de la France.

Le gouvernement français, de son coté, n’est pas prêt à lâcher la perle de son ex-empire. L’engrenage fatal de la guerre d’indépendance se met en place : c’est la guerre d’Indochine.

L’Ancre d’Or : Le coup de force japonais du 9 mars 1945 en Indochine Lire la suite »

Film de David Oelhoffen coécrit avec Jacques Perrin (décédé en avril 2022)

En collaboration avec Eric Deroo, et Guido Caprino, Andrzej Chyra, comme acteurs principaux. Sortie le 21 février 2024

Dans notre lettre Info CMI n°32 ( 1er T 2022), nous avions mentionné ce film en cours de tournage dont nous avions eu connaissance par Madame Andrée Giroux, fidèle membre de notre association, et épouse du Lieutenant-Colonel Giroux. Il raconte l’histoire d’une poignée de légionnaires, « les derniers hommes » qui ont suivi la colonne Alessandri à la suite du coup de force japonais et parcouru les 300 km qui les séparaient de la frontière chinoise. Le réalisateur a voulu mettre en avant le courage et la dignité des Légionnaires face à la nature et à la mort. Il se veut être un hommage à l’héroïsme de nos Anciens. Jacques Perrin, acteur dans la 317e section, s’est inspiré du livre de Alain Gandy paru en 1992 « Les Chiens Jaunes » pour écrire le scénario, repris ensuite par David Oelhoffen.

Film de David Oelhoffen coécrit avec Jacques Perrin (décédé en avril 2022) Lire la suite »

Le capitaine Goupil Parrain de la promotion ESM n°209 2022/2025

 

 

 

 

 

 

 

Le choix du parrain du 2e bataillon de l’ESM Saint Cyr s’est orienté, une nouvelle fois, vers l’Asie et l’Indochine. A la suite de la promotion 2021-2024 « Colonel Charles Le Cocq », mort à la suite du coup de force, le 2e bataillon de la promotion 2022/2025 a choisi le capitaine Goupil, tué en Corée en 1951 et dont 9 années de carrière militaire se sont déroulées sur le sol indochinois.

Voici, en quelques lignes, un résumé de sa courte mais brillante carrière :

Robert Goupil est né à Paris le 18 aout 1921. Fils d’un colonel du génie, il rentre à St Cyr en 1939 après une scolarité au lycée Hoche de Versailles. Il est le benjamin de la promotion « Amitié franco-britannique » de 580 élèves.

Il choisit les Troupes de Marine et rejoint l’Indochine par le dernier bateau avant la fermeture des routes maritimes. Il y restera 9 ans. Affecté à Lang Son puis sur la RC4 à proximité de la frontière chinoise au sein des 3e et 4e Tirailleurs Tonkinois.

Il affronte l’assaut des Japonais lors du « coup de force japonais » le 9 mars 1945, rejoint la colonne Alessandri où il est blessé le 2 avril au bras gauche et au poumon. Il est soigné à Kunming en Chine puis rejoint la Birmanie pour rejoindre le général Leclerc à Saigon en décembre 1945 au sein d’un commando léger du 5e Régiment d’Infanterie Coloniale.

Il participe à des opérations en Cochinchine puis au Laos à partir de février 1946, repoussant les troupes chinoises à la frontière avec la Chine. En 1947, il prend le commandement de la deuxième compagnie du 21e régiment d’Infanterie Coloniale sur la RC 4 à Dong Dang où il assure des opérations de pacification contre le Vietminh.

De retour en France en 1950 au 3e Régiment d’Infanterie Coloniale, il demande à retourner en Extrême-Orient. Il est affecté au bataillon de Corée du général Monclar. Il commande la compagnie ROK (Republic of Korea) du bataillon français de l’ONU, lui-même intégré au Regimental Combat team du 23e Régiment d’Infanterie Américain.

A partir de février 1951, il prend part à de nombreux combats avant l’ultime bataille de Crèvecœur, le 16 septembre 1951, qualifiée de semblable à Verdun par le général Monclar. Il est tué par un mortier le 26 septembre alors qu’il montait sur une ligne de crête pour guider l’artillerie alliée. Il reçoit le soir même la croix d’officier de la Légion d’Honneur des mains du général Monclar.

Citation à l’Ordre de l’Armée :

” S’est acquis, par ses très hautes qualités morales et l’excellence de ses vertus militaires, l’estime unanime de ses chefs, de ses camarades et de ses hommes.

A formé, entraîné, conduit au combat une compagnie coréenne, puis mixte, française et coréenne, dont l’action fut déjà décisive à TWIN TUNNELS au lendemain même de sa création et qui, tout au long de la campagne de CHIPYONG NI à la bataille d’Inge et à celle du “Bol” et à “Heartbreak Ridge”, s’est comportée en unité d’élite.

Est tombé mortellement frappé à son poste de combat le 26 Septembre, au début de l’attaque de la cote 931.

Proposé à titre exceptionnel pour le grade de Chef de Bataillon, disparait à trente ans, alors que, par l’intensité de sa vie intérieure, sa manière souriante de s’acquitter en toutes circonstances des missions qui lui étaient confiées, il atteignait à la perfection de son métier ».

A symbolisé, jusqu’au sacrifice, les traditions de 1’Armée Française, la Fraternité d’Armes de la FRANCE et de la CORÉE, au sein de l’Armée des Nations-Unies.”

Il était nommé par ses hommes « l’Archange ».

 

 

Le capitaine Goupil Parrain de la promotion ESM n°209 2022/2025 Lire la suite »

Retour en haut