L’espoir de tenir

L’ESPOIR DE TENIR

Au soir du 9 mars 1945, le général SABATTIER, commandant la Division du Tonkin, est le seul parmi le Haut Commandement Militaire français d’Indochine à avoir conservé sa liberté d’action.
Son plan d’opérations, en vigueur dès la veille, visait à dégager de l’étreinte nippone une masse de manoeuvre afin de constituer une défense mobile de part et d’autre du Fleuve Rouge.
Vont alors s’ouvrir deux aventures parallèles qui fixeront pour l’Histoire le courage et l’héroïsme
des défenseurs luttant jusqu’à l’extrême limite de leurs forces et de leurs moyens. A celle de l’Ouest
va s’ajouter, en fin de parcours, le Bataillon du Haut-Laos.

Le piège de la rivière claire

A l’Est du Fleuve Rouge. Cao Bang et Ha Giang,. chefs-lieux des 2eme et 3eme Territoires Militaires. sont surveillés par de fortes garnisons japonaises.
tout en étant exposés à l’hostilité d’èléments armés du Viet Minh et de montagnards Mans.
Tuyen Quang devait servir de base de départ au «Groupement de la Rivière Claire» où viendraient se rassembler les unités du Secteur. En raison des distances et des dèfaillances des transmissions, ce regroupement n’aura jamais lieu.
A Ha Giang, c’est un sournois guet-apens qui oblige le Commandant MOULLET à capituler dans la nuit du 9 mars. La garnison, après une défense courageuse, laissera sur le terrain les corps de près de 80 Européens massacrés au sabre ou à la baïonnette et les familles seront odieusement molestées. La chute de Lao Kay le 10 mars, contraindra les derniers survivants à passer en Chine. avec les garnisons des postes de Pak Kha et Muong Khuong, les 17 et 18 mars.
Le drame le plus intense sera écrit par la colonne CAPPONI (1300 hommes dont 300 Européens) qui, harcelée dès le 13 mars et affaiblie par les désertions, se heurtera le 26 mars à une forte unité Japonaise l’obligeant à mettre bas les armes.

La défense acharnée de la colonne Alessandri

Alerté la veille par son Chef, le Général ALESSANDRI, commandant le «Groupement du Fleuve Rouge» décide de faire quitter à ses unités la «nasse» dans laquelle elles se trouvent à Tong-Sonray et Viètri où elles sont cernées par les boucles de la Rivière Noire etl du Fleuve Rouge et de leur
faire franchir le 10 mars ces deux obstacles, dans des conditions épiques.
La région Ouest du Fleuve Rouge, plus favorable, permettra des ravitaillements par air venant de Calcutta ou de Kunming et se prêtera à des positions de barrages successives.
La garnison de Tong constituera avec ses élèves officiers, ses aviateurs et ses légionnaires un groupement retardateur qui empêchera l’ennemi de franchir la Rivière Notre.jusqu’au 11 mars. Ses derniers survivants avec leur chef le Lieutenant-Colonel MARCELLIN seront massacrés.
Ainsi, dès le 12 mars, sera formée cette fameuse «Colonne ALESSANDRl » dont le nom passera dans l’Histoire.
D’autres renforts seront envoyés de Lalchau et trois commandos dont une partie parachutée des Indes ralentiront la progression ennemie, au prix de pertes sévères.
A Sonla, le Général ALESSANDRI a trouvé deux Potez 25 qui rendront d’immenses services de transport, de liaison et de ravitaillement. Plus tard, atterriront plusieurs L.5 envoyés de Kunming par le général américain CHENNAULT qui en sera sanctionné.
Le combat crucial aura lieu au Col des Méos les 29 ct 30 mars où les Japonais, aidés par leur artillerie et le brouillard complice, emporteront la position.
Le Général SABATilER est nommé “Délégué. général du Gouvernement de la République en Indochine» : il doit se maintenir sur le territoíre jusqu’à l’extrême limite de ses moyens, pour conserver à la France une parcelle de terrain, si faible soit-elle.
Après la perte du Col des Méos. la colonne se scinde en deux : vers Latchau et vers Dien Bien Phu. Le 4 avril, tous évacueront cette cuvette, déjà jugée indéfendable.

Les combats de l’extrême

Le Général SABATTlER tente d’établir à Phong Saly un semblant d’administration, pour répondre a sa mission.
Les Japonais, désireux d’en finir. se rapprochent en tenaille à la fois par l’Est et le Sud. Le coup de gràce est  porté le 28 avril par un message lancé d’un Potez 25 venu de Sze Mao en Chine · «Les autorités américaines interdisant toute mission aérienne au profit des troupes françaises encore
stationnées en Indochine». Ne pouvant plus a la fois se battre contre les Japonais et être abandonnés des Alliés. le Général SABATTIER passera ce même jour en Chine.
Les 1er et 2 mai. les derniers combats sont livrés à Apachaï et Malítao.
C’est alors que le Général ALESSANDRI gagne a son tour la Chine.
Une poignée d’irréductibles, ravitaillée par un dernier Potez 25, résiste autour de Boun Tay jusqu’au 15 juillet.
Ainsi se termine l’héroïque épopée de la “Colonne Alessandri”.

L’amer destin du Haut Laos

Surpris dans la matinée du 10 mars par un fort détachement japonais, le bataillon du Commandant MAYER réussira grâce au sacrifice du Sous-Lieutenant MAZAN qui retíendra toute la Journée la progression ennemie au camp de Chinaïmo – à quitter Vientiane et à se replier vers le nord par la route de Luang Prabang.
Après avoir investi la ville, les Japonais ne poursuivront les unités franco-indochinoises que sept jours plus tard et seront encore retardés par la rupture du pont de la Nam Lik que le commando TUAL, parachuté en février, vient de faire sauter.
Devant l’approche d’une deuxième colonne japonaise venant de Vinh, par la route Astrid, le bataillon se retirera sur la Nam Ou, terminus de la route, à l’issue d’un violent accrochage le 4 avril à proximité de la capitale royale.
Sous la poussée ennemie, il rejoindra Muong Sai où l’appui des commandos parachutés et de nombreux parachutages en provenance des Indes lui procurera un instant de répitl.
Mais le Japonais ne lâche pas prise et le groupement gagne alors la plaine de Muong Luang Nam Iha où il est rejoint par le bataillon EUZIÈRES qui passera début mai en Chine. Le terrain d’aviation permet d’évacuer le 27 avril sur la Chine le Commandant MAYER ateint du typhus.
La compagnie ROMAIN tient  tête aux derniers assauts japonais le 18 mai. la poursuite persistante de l’ennemi contraint les derniers éléments à franchir le Mékong et à traverser l’extrême pointe de la Birmanie pour poursuivre sa route vers Sze Mao en Chine.

Le maintien du Drapeau

Le dernier parachutage a Muong Sing le 23 mai fournira à un fort groupe de volontaires, composé pour, moitié de laotiens, la possibilité de former plusieurs commandos en vue de maintenir sur le sol
indochinois  en liaison avec ceux qui opèrent au Laos,  l’Honneur et le Drapeau de la France.

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